Kryss, dame d'argent

Sa soeur lui avait conseillé de faire une visite à Nea-Yalis, elle avait même beaucoup insisté : le lieu est paisible, propice au repos, il est nouveau et lui permettrait de se changer les idées. Mais c'est son dernier argument qui la décida : Alexiel était souffrant et lui rendre visite était presque un devoir, après la façon dont il avait veillé sur elle.

Kryss portait son armure d'acier brillant, à l'origine de son surnom, dont la ceinture a été adaptée pour laisser place à la rondeur naissante de son ventre. Elle ne pouvait déjà plus porter sa "seconde peau" de mailles forgées, une tunique épaisse la remplaçait. Elle savait que ce n'étaient que mesures temporaires, et que bientôt elle ne pourrait plus enfiler que robes amples et tenues légères. L'idée était loin de l'enchanter.

Ses cheveux, comme à l'accoutumée, étaient attachés derrière sa tête et ne descendaient pas plus bas que sa nuque. Lorsqu'elle n'était qu'une jeune apprentie de l'académie de Nolani, elle avait un jour perdu un duel d'entraînement par la faute d'une mèche prise dans l'articulation de l'épaule. Son instructeur du moment lui avait expliqué avec un sourire sardonique qu'elle devrait couper ses cheveux, mais elle s'y est toujours refusée. La coiffure qu'elle mit au point lui interdisait de porter un heaume, mais elle compensait ce handicap par une rapidité et une vigilance remarquables. De plus, elle aimait voir ce qui se passait autour d'elle.

A son côté pendait son épée, dont la lame étrange était formée de deux pointes courbées, d'un bleu presque noir. Des flammes glaciales, si fines qu'elles tranchaient les chairs comme le métal, en jaillissaient lorsque Kryss laissait libre cours à sa froide colère. Son bouclier était le fruit d'un enchantement de son armure : par la seule volonté de la guerrière, il pouvait apparaître, translucide et bleuté, capable de résister à la charge d'un Dolyak.

Dans quelques semaines, elle le savait, elle n'aurait plus le droit de les sortir et devrait se faire une raison : la sécurité de son enfant à naître exigeait d'elle ce sacrifice. Mais après... quand cette petite sera venue au monde... oui, elle pourrait reprendre l'entraînement et ses responsabilités de protectrice de l'Invisible.