[Background] La jeunesse de Vido. Chap I & II

Préface

Voici l'histoire d'une petite fille à part amenée à devenir, à travers la mort, Protectrice de Tyrie et du monde libre.
L'Histoire d'un paradoxe entre sa nature vampirique malfaisante et de son coeur bon et altruiste.
Ce récit est celui de ma vie, moi, Vidomina Tashiro.

CHAPITRE I

MAMAN D'OU VIENS-JE ?


Vidomina venait tout juste de fêter ses cinq ans et elle était déja le portrait craché de sa mère, Krysall Tashiro.
Sa longue chevelure ondulée, d'un roux brillant, mettait en valeur ses petits yeux verts,
ses pomettes étaient bardées de tâches de rousseur et elle avait ce petit sourire espiègle qui caracterise les petites filles malignes.
Sa fête d'anniversaire aurait pu être très réussie si, bien sûr, elle avait eu des amis.
Ce n'est pas que Vido soit associale mais Krysall , fuyarde d'Ascalon et sorcière de surcroit, était vue comme une paria par le reste du village
et fréquenter la fille de la 'folle' était évidemment interdit par tous les parents -soit disant- respectables.

"Soit disant" car il ne fallait pas moins d'une minute pour comprendre que Krysall était loin d'avoir perdu la raison.
Ceux qui manient les arcanes savent, plus que quiquonque, qu'il faut avoir toute sa tête, un caractère bien trempé et bien plus encore
pour réussir à ployer les forces mystiques et invisibles à son bon gré.
C'était juste une femme forte qui essayait d'élever, seule, sa fille en se débrouillant par tout les moyens, même les moins recommandables.
Vido, quant à elle, comprenait bien que quelque chose était different.
Les autres enfants vivaient dans des chaumières et il y avait un 'papa' qui chassait, jardinait ou jouait avec eux.
Chez elle, dans sa grotte, nul homme n'aidait sa mère ou ne montrait le moindre petit signe d'affection.

La tête remplie de question, elle s'approcha de Krysall.
Cette derniere était assise en tailleur, les mains posées sur les genoux, paumes vers le ciel,
ses yeux étaient revulsés et ne laissaient apparaitre que des fines orbites blanches.
Une aura semblait virevolter autour d'elle comme un drap de soie noir en perpetuel mouvement.
Vido était familière de cette vision et n'était nullement apeurée.

- Maman ?
L'aura disparut et Krysall ferma ses paupières.
- Oui ma chérie ? repondit-elle, les yeux toujours clôs.
- Tu ne connais pas de ..monsieur ?
Les mots étaient enfantins et mal choisis mais Krysall en comprit immédiatement le sens profond.
Ses yeux s'ouvrirent révélant leur iris bleu océan.
- Viens dans mes bras, petit trésor.
C'était le genre de phrase qu'il était inutile de lui répéter deux fois, Vido se lova tendrement contre sa mère, le sourire jusqu'aux oreilles.
- Je crois que tu voudrais savoir si tu as un papa toi aussi, n'est ce pas ?
- voui, j'en ai un dis ?
- Bien sûr tout le monde en a un.
- Mais il est où alors ?
Krysall sentait une sorte de gêne monter en elle.
- Il est à Ascalon, tu sais la grande ville, je t'en ai parlé une fois.
- ho oui...on ira demain le voir ? siteplé maman, allez siteplé siteplé !!
Ses yeux s'étaient écarquillés et étaient remplis d'espoir tandis que ceux de Krysall s'assombrirent.
- Non ma chérie, c'est impossible...

Comment expliquer à une petite fille la vie compliquée des adultes.
Comment lui dire que son père, Gerrard Gandreïm, était un riche duc d'Ascalon, marié et père de 3 enfants.
Sans s'en rendre compte, elle plongea dans ses souvenirs.
Elle le revoyait dans son armure d'apparât étincelante, pénétrer dans sa roulotte en quête de réponses sur sa destinée.
Grand, fort, le regard profond, une petite barbiche blonde bien taillée.. une sorte d'archétype de prince charmant.
A leur premier regard quelque chose se passa, une attraction puissante que nul ne pouvait empêcher.
Elle, jeune diseuse de bonne aventure et lui, seigneur respecté, tombèrent rapidement fou amoureux l'un de l'autre.
Leur idylle devait rester l'un des secrets le mieux gardé du royaume..Nul ne devait savoir.
Enfin..C'est ce que pensait Gerrard. Elle, comme toutes les femmes heureuses, voulait crier son amour et son bonheur à qui voulait l'entendre.
Lui ne pouvait gâcher ni son mariage -qui était purement diplomatique- ni sa réputation d'homme droit et fidèle à la morale.
Plusieurs mois s'écoulèrent ainsi jusqu'à cette maudite soirée d'automne où ils firent l'amour pour la dernière fois.
Elle avait senti un drame dans une de ses visions, mais étant personnellement impliquée, elle n'avait pas su interpréter correctement l'avertissement.
Ils étaient nus et allongés sur la paillasse lorsque la porte de la roulotte fut defoncée.
Deux gardes se tenaient à l'entrée et une femme richement habillée entra.
Gerrard s'interloqua : "Sandra !?!"
Sa femme lui fit face, son visage était hautain.
Elle se souviendrait à jamais du regard rempli de haine et de mépris que Sandra lui avait porté.
- "COMMENT AS TU OSE ?!!! AVEC UNE VAGABONDE EN PLUS ! OUBLIERAIS TU D'OU VIENT MA FAMILLE ET TES OBLIGATIONS ?
Elle hurlait maintenant comme une hystérique.
TOI, RENTRE IMMEDIATEMENT ET VOUS LA, TUEZ CETTE GARCE !!"
-NOOOON ! Gerrard attrapa son épée et chargea les deux soldats qui restèrent pantois un bref instant.
Ils n'avaient guère l'habitude de se battre contre des seigneur nus et la réaction inattendue de Gerrard les auraient fait rire s'ils n'étaient pas en danger de mort.
"KRYSALL !! FUIS !!!" ses cris résonnèrent dans la nuit en même temps que les premiers cliquetis d'armes.
Sandra tira une dague de sa manche et s'approcha de Krysall qui se relevait en agripant la couverture.
Elle tenta de la poignarder de face, droit dans le ventre, Krysall esquiva et saisi le poignet de Sandra.
Jusqu'ici elle n'avait utilisé ses dons que pour parler avec les morts et ainsi partager leur savoir et leur immense sagesse mais aujourd'hui
sous l'effet de ce stress intense, sa poigne se fit soudain d'une rare force et l'énergie vitale de Sandra se transmit en elle.
Sandra, blême, regarda Krysall droit dans les yeux avant de s'écrouler, inconsciente.
Elle lacha prise et se precipita à l'entrée, Gerrard se tenait haletant, les deux cadavres de gardes a ses pieds.
Il rentra et vit sa femme à terre.
- Par Dwayna, est-elle ..?
- Non, elle a juste perdue connaissance. J'ai senti encore de la vie en elle.
Ils se rhabillaient maintenant en vitesse..
- Alors va-t en, la garde va arriver d'un instant à l'autre, fuis le plus loin possible et ne reviens jamais. Ils ne pourront rien contre moi, j'ai trop d'importance.
Mais toi ils te tueront sans pitié et ça je ne le veux pour rien au monde, tu entends !
Sache Krysall que jamais je n'ai autant aimé une femme auparavant et qu'une partie de moi va mourir ce soir, je serais vide sans toi.
- Je t'aime Gerrard, elle parvenait à peine à articuler ces quelques syllabes.
- Prends cette bague et fuis, que Dwayna et Melandru t'accompagnent pour toujours !"
Ils s'embrassèrent comme à leur première rencontre et elle partit en direction du nord, vers les Cimmefroides.
Toute la nuit durant,elle courut, pleurant toutes les larmes de son corps...
Il ne saurait jamais que la nuit de leur dernière étreinte, une vie fut créée.
Sa petite chérie, sa petite Vido, fruit de leur amour...


- Impossible ? Pourquoi ?"
La fillette attendait des explications à cette réponse aussi brute que définitive.
Krysall se ressaisit et parvint enfin à lui dire.
- Ton père est mort pour défendre maman. Il est enterré à Ascalon."
Son coeur se serra en annoncant ce mensonge..qui n'était autre qu'une allégorie de la vérité.
Deçue et amère, Vido sortit..Elle s'agenouilla et regarda la nuit tomber en silence.

Krysall resta assise, songeuse, elle observait l'anneau d'or qui n'avait jamais quitté son annulaire depuis cette terrible nuit...
Une larme perla sur sa joue..puis une seconde et elle éclata finalement en sanglots.

CHAPITRE II

CHANSON D'ADIEU


Il s'appelait Marcus et, du haut de ses onze ans, prenait un malin plaisir à systématiquement désobéir à son père, Norman, dit "le Brailleur".
Il n'était pas très costaud, mais son esprit vif le rendait assez charismatique auprès de ses petits copains car il avait toujours LE bon plan pour s'amuser.
La simple évocation du jour où, in extremis, lui et sa bande avaient volé la tarte aux noix de la vieille mégère, les faisaient rire à se tordre par terre.
Ce jour là, Marcus se promenait seul dans les bois (au lieu d'aller chercher de l'eau à la rivière... évidemment).
Malgré son coté petit chef, il aimait ces moments de solitude qu'il passait à écouter les bruits sauvages de la forêt.
Une mélodie étrange lui parvint, Il crut d'abord à une farce du vent, mais le son se fit plus distinct, c'etait une chanson.
-"Tiens, je me demande qui..."
Il n'eut pas le temps de se suggérer une réponse qu'il la vit.
Vido ramassait des champignons en chantant des contines improvisées :

"Hooo toi le petit champipi, champignon,
Mmmm tu as l'air si bibi, si bonbon,
Rassure toi, je ne te veux aucun mal,
C'est juste que je te verrais bien dans la poêle.
Et ne me dis pas que tu n'es pas comestible !
Par mélandru, ça non ! c'est impossible !.."

Elle adorait conter en musique ce qu'elle faisait, sur des airs que l'on pourrait qualifier de ..douteux car malheureusement elle était une bien piètre mélomane.
Au grand dam de sa mère qui supportait toutes ses fausses notes sans sourciller !

D'abord surpris, Marcus resta pantois quelques secondes.
"Alors c'est donc elle" songeait-il.
Il l'avait toujours aperçu de loin, dans l'ombre, et avait fini par croire -la faute à ses parents- qu'elle et sa folle de mère
étaient des monstres hideux et mangeaient des vers pourris.
Il se sentit tellement ridicule de constater que ce n'était qu'inepties qu'il entreprit de partir discrètement, mais une petite voix l'interpella.
-"Hihi ! Je t'ai vu ! Tu te caches ?"
Il s'arreta net et se retourna..Vido le regardait en souriant.
Finalement il la trouvait plutôt mignone cette fillette sensée être horrible .
-"Heu..Salut..je..heu.." Il en perdait ses mots, lui qui d'habitude était si sur de lui.
-"Bonjour, je m'appele Vidomina et j'ai dix ans, toi je te reconnais, tu es celui qui fait des bétises tout le temps !"
Cette remarque fit mouche et il se détendit.
- "Haha, oui ! Je m'appele Marcus. Excuse moi je voulais pas te déranger..Je m'en vais.
- Tu peux rester, regarde y'a plein de bons champignons ! tu veux en ramasser avec moi ?"
Elle avait l'air plutôt gentille mais les racontars ont la vie dure et Marcus se méfiait, à tort, des intentions de Vido.
Peut-être cueillait-elle des champignons vénéneux pour faire des poisons et tuer le village ?? ou pire ??
Maintenant qu'elle l'avait vu, elle devait le faire taire pour ne pas qu'il puisse révèler ses plans machiavéliques à tout le monde !!
- "Alors tu restes ? T'en fais une drôle de tête !"
Marcus, perdu dans ses scénarios loufoques, se ressaisit.."De quoi j'ai peur d'abord ?" se lanca-t-il pour se donner du courage.
- "D'accord ! mais d'abord je veux que tu en goutes un.
- beuuuah ! Cru c'est pas bon ! Mmmm, si je le fais.. tu le fais alors !"
Elle croqua sans hésiter à pleines dents le chapeau du champignon..macha difficilement et avala en tirant la grimace.
- "A toi !"
Un bout pendait encore, collé à sa lèvre, elle le fit voler d'une pichnette de l'index.
Marcus était sidéré mais il ne voulait perdre la face pour rien au monde.
Il prit fermement les restes que Vido lui tendait et mit tout dans sa bouche..macha difficilement et avala en tirant la même grimace.
Ils se regardèrent un instant et, devant le ridicule de ce défi gastronomique, éclatèrent de rire.
En fin de compte, Il passèrent l'après-midi ensemble à gambader dans les bois et il se fit sévèrement gronder
par 'le Brailleur' en rentrant le soir, sans eau.

Depuis ce jour et durant presque trois ans, Vido recevait régulièrement la visite de son unique ami.
Ils s'amusaient pendant de longues heures dans les bois et inventaient ensemble de tas d'hisoires délirantes.
Marcus ne se souciait plus des commentaires de ses copains..Il commencait d'ailleurs à s'en éloigner doucement.
Il languissait ses prochaines escapades avec toute l'impatience dont peut faire preuve un adolescent de son âge.
Le corps de Vido était en plein changement et Marcus était loin d'y être indifférent.
Ses formes commençaient à se dessiner et ses longs cheveux tréssés lui donnaient l'air plus agée.
Pouvait-t-on parler d'amour ?
Le terme était encore trop fort mais incontestablement, une très grande affection les liait de jour en jour..de plus en plus.

Krysall, quant à elle, avait vu pendant ses méditations comment cette relation allait finir mais elle n'en disait mot. Elle ne devait pas interagir.
Ce 'test' était absolumment nécessaire, il serait la première leçon qu'aurait Vido pour appréhender et commencer à comprendre son pouvoir.
Le fameux don des morts qui coule dans les veines des femmes de sa famille, les Tashiro, depuis des générations.

Ce jour là, les nuages envahissaient le ciel, la pluie n'était certainement pas loin.
Elle lui avait donné rendez-vous à la clairière du nord et elle l'attendait en regardant, blasée, le temps se couvrir.
Elle voulait lui apprendre un chant (elle avait fait de gros progrès sur les mélodies) de son cru et était tout excitée à cette idée.
Son texte racontait leur histoire d'amitié et allait même plus loin..projetant, au dernier refrain, de se marier quand ils seraient grand.
Si après ça, il ne la prenait pas dans ses bras tendrement, elle se poserait des questions !!
Il apparut enfin au loin, tout souriant, avec son nouveau gilet en laine de Yak que sa mère lui avait tricoté. La grande classe, quoi.
Elle lui fit des grands signes de main tout en se moquant de lui sur sa façon de se débattre avec les herbes hautes.
Il accéléra le pas et soudain fit un bond en hurlant et roula par terre...
Vido crut d'abord à une enième facétie et rigola franchement mais le cri de douleur qu'il poussait à présent ne pouvait être simulé.
Elle se leva précipitamment et coura à travers ces fameuses herbes qui, cachant Marcus, avaient perdu maintenant toute leur drôlerie.
Il était recroquevillé et se tenait la cheville gauche.
-"Aieeee j'ai mal !! ca me brûle !!
- Fais moi voir !"
Il enleva ses mains et elle constata deux petits trous saignants..Il n'y avait pas de doute c'était une morsure de serpent.
Ils ignoraient, bien sur, que c'était là l'oeuvre de la race la plus vénimeuse de la région.
- "Vite ! Allons voir ma mère, elle saura te soigner. Accroche toi à moi !" fit-elle en le relevant.
Elle parvenait à supporter, tant bien que mal, le poids de Marcus qui sautillait sur son pied droit.
*plic*
Une goutte d'eau s'écrasa sur sa nuque.
- "ho non pas ca..pitié"
En quelques instants la cadence des gouttes s'intensifia et il plut franchement.
Trempée, Elle galérait à travers les bois, elle n'arrêtait pas de trébucher et de se griffer sur les branches qui encombraient leur chemin.
Marcus, en proie à de violents vertiges, ne tenait plus debout, il marmonnait un charabia incompréhensible.
Ils étaient encore loin d'être arrivé et Vido sentait qu'elle n'arriverait plus à tenir très longtemps ce fardeau qui s'alourdissait de minutes en minutes.
Des larmes de désespoir commencaient à monter..cet après midi prometteur se transformait en pire cauchemar.
- "Marcus, allez !!! Tiens bon ! Allez !"
Elle glissa et ils s'étalèrent dans une grosse flaque de boue. Elle se mit à genoux et le secoua.
- "Marcus !! ca va ? réponds moi !!"
Il ne repondait pas..Il ne parlerait d'ailleurs plus jamais à personne, du moins sous cette forme. Marcus était déja mort.
- "MARCUUUUS !! Je t'en supplie réponds moi !! Reveille toi, allez !!"
Elle s'écroula sur le torse de feu son ami et hurla de rage et de chagrin.
- "Je vais bien Vido, je ne sens plus rien."
Elle releva la tête brusquement. Marcus était toujours inerte pourtant il avait parlé, elle en était sure.
-"Je suis là, ne t'inquiètes plus."
Ses lèvres n'avaient pas bougé d'un poil. Elle se demandait si elle n'hallucinait pas quand elle vit la forme spectrale de Marcus.
Le fantome se tenait debout là où son coeur s'était arrété, à trois ou quatre mètres d'elle.
Il semblait flotter à quelques centimetres du sol et ses pieds disparaissaient dans un tapis de brume tournoyant.
Vido n'en croyait pas ses yeux..Il avait l'air si serein et apaisé.
Elle s'approcha de lui l'estomac serré sans savoir quoi dire.
- "Marcus...
- ..Une voix..Dwayna m'appelle..je dois la rejoindre...hooo c'est magnifique..."
Ses yeux semblaient regarder par delà la réalité, il s'estompait progressivement et finalement s'evanouit completement.
Vido resta plantée là, sous la pluie, pendant quelques instants, interdite.
- Qui va t'apprendre ma chanson maintenant.."